Accompagner la révolution médiatique en marche

révolution médiatique

Article paru sur Atlantico le 8 novembre 2022.

Décennie après décennie, le marché mondial des médias affronte de nouvelles vagues : irruption de technologies innovantes, apparition d’acteurs disruptifs, intégrations de services. Le secteur a donc plus que jamais besoin de continuellement se réinventer pour assurer son avenir et, surtout, dans l’intérêt public.

La dynamique du marché médiatique revêt différents aspects, et s’exprime entre autres par les opérations de consolidation.

Un secteur télévisuel bouillonnant

Nous en avons été les témoins, en France dans le secteur de la télévision, avec la tentative de rachat de M6 par TF1. L’importance de ces opérations et leurs répercussions dans l’équilibre même du secteur, requiert l’intervention des autorités de régulation.

Le groupe Bertelsmann déjà impliqué dans une opération lourde, aux États-Unis dans le domaine de l’édition, n’a pas souhaité s’exposer en même temps à 2 autorités de régulation, de chaque côté de l’Atlantique.

Nous voyons la même dynamique dans le domaine des nouvelles plates-formes de diffusion vidéo, à l’exemple de Brut. Cette plate-forme s’est lancée en France il y a un peu plus de 5 ans, et concentre son positionnement vers les jeunes, et le streaming vidéo, par les réseaux sociaux. Début 2019, Brut propose son contenu sur sa propre application mobile, et son site internet en éditant 1000 vidéos par mois, vues chaque jour par 20 millions de personnes dans le monde.

La recherche de l’équilibre financier est une priorité absolue pour de tels nouveaux entrants. Le lancement de BrutX, offre payante, assise sur des documentaires produits en interne, correspond à cette stratégie, tout comme celle d’utiliser la régie publicitaire de France Télévisions pour monétiser l’audience.

Dans cette dynamique de technologies et de mouvements économiques et financiers, la pression sur le métier de journaliste ne fait que s’accroître.

Le facteur humain sous pression

La rapidité de réaction, vient se heurter aux exigences de vérifier la véracité de l’information de plus en plus nécessaire. S’y ajoutent tristement les difficultés opérationnelles, liées à l’augmentation du nombre de zones de conflits et de tensions en Asie, en Afrique, et en Amérique du sud. 55 journalistes et spécialistes des médias ont été tués dans le monde en 2021.

Selon les conclusions d’une étude récente menée au Canada chez les professionnels des médias, sur la base de 1 251 réponses à une enquête en ligne volontaire, 69% des répondants ont fait état d’anxiété, 46 % ont déclaré souffrir de dépression et 15 % ont déclaré avoir subi un stress post-traumatique.

Une autre source d’inquiétude concerne la montée en puissance des réseaux sociaux qui deviennent la principale source d’information, et cette tendance s’accélère. Dans ce contexte, le manque de compétences numériques constitue une menace importante pour la crédibilité des reportages.

Le besoin de fiabiliser l’information

Selon l’Institut Reuters pour l’étude du journalisme, basé à Oxford en Angleterre, 75 % de la population mondiale recherche des nouvelles et des informations sur les réseaux de médias sociaux comme Twitter, YouTube et Meta (qui possède Facebook, Instagram et WhatsApp).

Les journalistes, en particulier dans les pays émergents, n’ont pas toujours été préparés et formés pour opérer dans un monde qui se numérise aussi rapidement. Ils risquent d’être laissés pour compte dans cette mutation numérique. Accroître l’adoption du numérique et l’accès permanent aux compétences est le moyen le plus efficace de garantir que les journalistes puissent continuer à avoir un impact et à nous protéger de la désinformation.

Selon une étude de NewsGuard, site de suivi d’actualités, animé par des journalistes qualifiés, une vidéo sur cinq mise en ligne sur TikTok contient des informations erronées.

S’appuyant sur sa longue expérience en matière de journalisme d’investigation, l’Agence France Presse a lancé un kit d’outils de formation aux compétences numériques, gratuit et accessible à tous les journalistes.

Grâce à l’initiative de l’AFP, des journalistes, où qu’ils soient, peuvent acquérir des techniques de base, de niveau intermédiaire, ou plus avancées, et obtenir un certificat AFP. Ces compétences comprennent des techniques de vérification d’images, de localisation de documents archivés, afin de déterminer l’origine des messages publiés sur les médias sociaux.

Echanger, s’accorder, agir

L’ensemble des métiers de l’information, quels que soient les pays, sont soumis à cette multiplicité de défis techniques, économiques, stratégiques. Ainsi, un regard d’ensemble, et des échanges globaux ne peuvent être que les bienvenus. Tel est l’objectif des différents forums qui se dérouleront dans le cadre du Global Media Congress, du 15 au 17 novembre, à Abou Dhabi. Ce symposium international réunira les acteurs mondiaux des médias avec l’objectif d’améliorer la résilience des acteurs du secteur. De telles réunions sont incontournables pour aider à élaborer un cadre de réflexion commun, et ébaucher de nouvelles règles.

Le dialogue entre les parties prenantes, journalistes, groupes de presse, plateformes digitales, et autorités de régulation, est absolument essentiel. Un cadre international est le seul à même d’encourager la création de nouveaux business modèles, de déboucher sur des partenariats stratégiques forts, et d’explorer de nouveaux canaux de distribution de contenu. Le choix de la plaque-tournante des Émirats Arabes Unis, foyer d’audacieuses initiatives en matière de Web 3.0, revêt un symbolisme fort.

Espérons que dans quelques jours, les participants à ce forum s’engageront dans de telles perspectives. Les attentes sont fortes.