Les oscillations du prix du pétrole requièrent un bilan serein.

Article paru sur La Tribune le 30 septembre 2025/strong>
Les sanctions sur les opérateurs russes risquent de s’accroître. Les armes s’expriment toujours dans la zone productrice du Moyen-Orient, et la tension américaine croît autour du Venezuela. L’OPEP+ continue d’accroître les quotas de production, alors que certains de ses membres les ont déjà dépassés. Enfin, l’atonie du marché intérieur chinois et, les interrogations aux États-Unis sur l’emploi et l’inflation augmentent les incertitudes sur la demande pétrolière. Dans ce tumulte, un forum mondial sur l’énergie – ADIPEC 2025 –, sera l’occasion pour les professionnels du secteur de tracer une synthèse apaisée.
Le marché pétrolier s’est rarement trouvé en même temps soumis à autant de facteurs d’influence de son activité. Après la crise du COVID, les projections de prix sur le baril se situaient dans la fourchette 65-75 dollars. Mais un acteur est venu perturber le marché : l’OPEP+ a décidé de réduire drastiquement sa production. 2 millions de barils, soit 2% de la production/consommation mondiale ont progressivement été retirés, projetant les prix dans une fourchette de 75-85 dollars, avec quelques dépassements. Mais des conséquences, pas forcément attendues, allaient apparaître.
Mouvements sur les parts de marché
Le marché pétrolier, à l’image des principes de la physique a horreur du vide. Cette disparition progressive de volume devait être compensée par d’autres producteurs hors OPEP. C’est exactement ce qui s’est passé. Le Canada a accru sa production de pratiquement 10%, dépassant le seuil des 5 millions de barils par jour. Il a atteint la 4ème place du classement mondial, dépassant l’Irak…. De son côté le Brésil, grâce à ses ressources off-shore a atteint puis dépassé les 3 millions de barils par jour à 3,6Mb/j, devenant le 8ème producteur mondial. Son voisin, le Guyana a débuté sa production en 2020, et atteint cette année les 900.000 barils par jour. Avec les Etats-Unis confortant leur niveau autour de 13,3Mb/j, l’ensemble de la zone américaine, nord et sud, a ainsi compensé le retrait de volume des producteurs OPEP.
Mais cela signifie aussi que la zone américaine a fait progresser sa part de marché mondial, au détriment des pays de l’OPEP+. On comprend dès lors pourquoi l’Arabie Saoudite a été aussi active pour finalement inverser la stratégie de l’OPEP+ et augmenter les quotas de production des 2 millions de barils au paravent retirés. Ce retour de volume a mécaniquement ramené le prix du baril autour des 65 dollars, limite basse de la fourchette de variation depuis 5 ans….
À ce premier volet d’incertitudes des mouvements stratégiques des producteurs vient s’ajouter ajoutées celui des incertitudes géopolitiques.
L’augmentation du bruit des armes
Trois zones géopolitiquement sensibles font face à de fortes turbulences depuis 4ans, à tour de rôle, ou en même temps. L’invasion de l’Ukraine par la Russie a conduit l’Union Européenne à revoir sa stratégie d’approvisionnement, créant des perturbations sur le marché. Les sanctions économiques et juridiques à l’encontre des opérateurs russes perturbent leurs canaux de distribution traditionnelle. Depuis quelques mois les frappes ukrainiennes, en Russie, sur les infrastructures pétrolières, raffineries, dépôts, terminaux pétroliers, réduisent la production et perturbent la distribution. De prochaines et nouvelles sanctions internationales contre les importateurs de produits pétroliers russes pourraient contribuer à la baisse des exportations russes. L’offre pétrolière risque de se restreindre.
Au Moyen-Orient les attaques de drones menées par les Houthis en Mer Rouge ont perturbé et renchéri les transports par tanker.
Les frappes contre l’Iran ont fait craindre des perturbations dans le golfe persique, et le détroit d’Ormuz. Le retour des sanctions contre le régime de Téhéran, le « snapback » dans le cadre des mesures présentes dans l’accord nucléaire, pourraient à nouveau freiner les exportations pétrolières iraniennes.
Quels vont être les développements de la crise entre les Etats-Unis et le Venezuela ? Revenu à une production de 1million de barils par jour, ce pays détient la plus grande réserve mondiale de pétrole.
L’agitation géopolitique et militaire est donc très présente dans le va-et-vient du prix du baril. Mais un troisième volet d’incertitudes concerne les deux premières puissances économiques mondiales.
Les interrogations économiques chinoises et américaines
La demande intérieure chinoise fait face à de nombreuses difficultés, croissance du chômage chez les jeunes, maintien d’un haut niveau d’épargne. La baisse continue du prix des logements alimente l’inquiétude et donc la frilosité des consommateurs. La Chine affiche cette année un taux d’inflation négatif en glissement annuel, de -0,4%, et un indice des prix à la production en baisse de 3,6%. Les risques de déflation sont donc sérieux. La croissance de la demande chinoise en pétrole pourrait donc ralentir.
Du côté des États-Unis, les indices économiques décrivent une situation contrastée. L’indice boursier Dow Jones est euphorique, mais l’inflation autour de 3%, alimentée par la hausse des droits de douane et la baisse du dollar, se maintient à un niveau supérieur à celui visé par la Banque Centrale. Beaucoup plus inquiétant est le refroidissement du marché de l’emploi, créant en moyenne depuis le début de l’année 75.000 postes pour un point d’équilibre à 86.000. Le secteur privé montre un réel ralentissement depuis le début de l’été. Le plus grand consommateur mondial de pétrole pourrait donc ralentir sa consommation, après les grands déplacements touristiques de l’été, l’automne étant, en plus, la période de maintenance des raffineries.
Conséquences macro-énergétique
Les variations des taux de croissance des leaders mondiaux se répercutent dans leur consommation pétrolière et impactent le prix du baril. Mais, à l’inverse, les variations du prix du pétrole impactent de façon planétaire, toutes les industries, et tous les consommateurs.
Il s’ouvre donc une triple nécessité stratégique mondiale : atténuer les écarts de variation du prix du baril, et diminuer la dépendance pétrolière et palier à la demande croissante en énergie.
En dehors des préoccupations environnementales liées aux émissions de CO2, il existe donc un impératif économique mondial, et stratégique pour beaucoup de pays, de diminuer la part du pétrole dans le mix énergétique planétaire tout en continuant d’accroitre la production mondiale d’énergie pour satisfaire la demande en hausse. La baisse significative de la part du pétrole contribuera à atténuer auprès des industries et des consommateurs les variations désordonnées du prix du baril, soumis à de très nombreux paramètres.
Cette diversification doit donc être doublement accélérer. De plus les énergies renouvelables ne relèvent pas d’une tarification mondiale, mais de conditions économiques nationales, voire, locales. Il y a donc de ce fait un double intérêt à accélérer leur développement.
Une rencontre mondiale nécessaire
Dans un triple cadre stratégique, optimisation des technologies pétrolières, diversification énergétique et apport énergétique supplémentaire pour répondre à une demande mondiale en constante augmentation, plus de 200 000 participants, producteurs, industriels, investisseurs, scientifiques et représentants d’États, sont attendus pour échanger à l’occasion du symposium ADIPEC, du 3 au 6 novembre.
Pour le Symposium ADIPEC, le défi actuel consiste à renforcer la résilience des systèmes énergétiques existants, tout en accélérant la mise à l’échelle des solutions intelligentes de demain. Les nouvelles technologies propres, solaire, éolien, hydrogène, captage et stockage du carbone, ainsi que le rôle des énergies fossiles et l’intégration de l’intelligence artificielle dans les systèmes énergétiques seront au cœur des discussions. Il s’agira également d’examiner les solutions pour répondre à la demande énergétique croissante liée au développement rapide des infrastructures d’IA. Ces avancées sont d’autant plus essentielles qu’elles contribuent à maîtriser les coûts, un facteur clé dans un environnement économique mondial instable.
Avec plus de 380 sessions, l’événement abordera également la question cruciale de la mobilisation des ressources financières nécessaires à la transformation énergétique, dans une perspective internationale, transfrontalière et multi-énergies.
L’importance industrielle et financière d’ADIPEC est soulignée par son haut patronage par le président des Émirats arabes unis, Mohamed Bin Zayed Al Nahyan.
Acteur incontournable de l’équilibrage du marché énergétique mondial et des innovations du secteur, le Moyen-Orient, et les Émirats en particulier, joue un rôle central grâce à sa stratégie de diversification énergétique. Si les tensions géopolitiques s’atténuent et que la diversification énergétique progresse, l’économie mondiale gagnera en stabilité, et en résilience, face aux fluctuations actuelles.