Le Bénin résiste à un coup d’État… !

Le Bénin résiste à un coup d’État… !

Article paru sur le site de la Tribune le 17 Décembre 2025

De l’Afrique de l’Ouest aux pays du Sahel on dénombre, depuis 2021, 7 coups d’État militaires. Celui de dimanche au Bénin a été perçu comme une énième redite. Mais il a connu un échec. Il n’était pas évident d’en percevoir les raisons. Mais on a pu constater rapidement que ses causes, sa préparation et son déroulement étaient très différents. Les réactions du pouvoir, des institutions béninoises, et des pays amis, ont finalement créé cet échec.

Depuis cinq ans, les coups d’État dans l’ouest et le centre de l’Afrique avaient toujours abouti au renversement du pouvoir. Il était donc difficile d’imaginer que l’apparition de soldats putschistes à la télévision béninoise allait dérouler un scénario différent.

Les causes s’articulent autour d’une combinaison de facteurs, sécuritaires, politiques, économiques et sociaux : insécurité liée au terrorisme, corruption, crises de gouvernance, frustrations populaires et, influences extérieures.

La situation béninoise

Si les mouvements djihadistes ont commencé à apparaître au Sahel au début des années 2000, leur migration vers le Bénin n’est apparue qu’une quinzaine d’années plus tard, en 2019. Elle s’est naturellement manifestée dans les régions voisines d’Alkatora et Alibori, frontalières du Burkina Faso. Le JNIM (Mouvement de soutien à l’islam et aux musulmans) affilié à Al-Qaïda y est le plus actif.  Des attaques plus nombreuses en début d’année a provoqué plusieurs dizaines de morts parmi les soldats béninois. L’armée doit donc affronter des situations difficiles, mais qui restent contenues géographiquement.

Sur le plan politique, le président Patrice Talon a été élu pour la 1ère fois en 2016, et renouvelé pour un deuxième mandat en 2021. Des élections présidentielles sont donc annoncées pour avril 2026. La gouvernance maintient une forte pression sur les partis d’opposition.

D’un point de vue économique, le Bénin connaît un excellent taux de croissance de plus de 7% et une inflation modérée. Cette trajectoire doit se maintenir dans les prochaines années, grâce à la base agricole de l’activité, et aux investissements publics.

Tentative de putsch et réponses

Un petit groupe de putschistes, mené par le lieutenant-colonel Tigri a pris, dimanche 7 décembre, le contrôle de la télévision, annonçant que le président de la République était démis de ses fonctions, les institutions dissoutes, et leur remplacement par un comité militaire de refondation.

Les motivations exprimées par les auteurs, n’ont nullement rencontré l’écho qu’ils avaient imaginé. Aucun des motifs, dégradation sécuritaire au nord, mauvaise gouvernance, exclusion politique des opposants, ou dégradation des conditions de vie des militaires et enseignants, et leur addition, n’ont reçu l’assentiment des Béninois.

Quelques heures après, le ministre de l’intérieur, Alassane Seidou, est apparu à la télévision, puis, en fin de soirée, le président de la République, Patrice Talon s’est adressé au pays, confirmant « une situation totalement sous contrôle ».

Que s’est-il donc passé ?

Les putschistes ne disposaient pas en réalité du soutien de l’armée, restée en grande partie fidèle aux institutions. Le gouvernement a, de plus, reçu une aide immédiate du Nigéria, et de la décision rapide de la CEDEAO de faire intervenir une force militaire inter-régionale. Le président du Nigéria a en effet validé immédiatement l’ordre de bombarder les positions des putschistes à Cotonou. Le premier contingent de la « Force en attente » de la CEDEAO, composée de soldats de cinq pays, afin de « soutenir le gouvernement et l’armée républicaine du Bénin », est arrivé dans la capitale béninoise dès dimanche soir. L’armée béninoise restée fidèle a pu prendre rapidement position sur les points d’appui des putschistes. La France a confirmé l’envoi, depuis Abidjan, de quelques éléments de ses forces spéciales, à la demande de Cotonou.

Ce coup de force diffère profondément des putschs de la région à bien des égards. Il a montré une absence de préparation réelle, tant militaire que politique. De plus, aucun appui préparatoire, sécuritaire ou de propagande, en provenance d’une puissance extérieure, n’a été identifié. Les tentatives de renversement dans d’autres pays ont été toujours accompagnées de mobilisations populaires.

Les conclusions du moment

L’échec de cette tentative de renversement montre une stabilité institutionnelle qui contraste avec les dynamiques sahéliennes d’effritement des pouvoirs civils. La population est restée très calme, l’opposition a dénoncé une initiative inadmissible. Le pays a donc affiché un consensus rare autour de la défense de son ordre constitutionnel.

L’armée dans sa très grande majorité est restée très disciplinée. L’État-Major et la Garde Nationale ont ainsi pu rapidement reprendre le contrôle des événements, libérant les officiers arrêtés pas les putschistes, et se mettant à la recherche du chef de cette rébellion. Elle a donc empêché toute bascule politique.

Après cette rébellion avortée, le Bénin apparaît en cette fin d’année 2025 comme l’anti-modèle à la contagion putschiste. Là où le chaos s’étend au Sahel, le pays renforce son image de stabilité, et de fiabilité institutionnelle. Ces paramètres sont essentiels pour encourager les investisseurs et la croissance forte dont les 15 millions de Béninois ont besoin.

(*) Analyste géopolitique, diplômé de l’ISC Paris, DEA finances Dauphine PSL, fondateur du Média web www.le-monde-decrypte.com chroniqueur IDFM 98.0, intervenant régulier T.V. et Radio.