Energies renouvelables : un bouleversement géostratégique se prépare

Energies renouvelables : un bouleversement géostratégique se prépare

Article paru sur Atlantico le 13 avril 2023

Le réchauffement climatique a conduit les États à organiser la diminution des émissions de CO². Les décisions prises lors des COP, poussent à l’essor des énergies renouvelables. Ce basculement énergétique se trouve accéléré par la guerre en Ukraine et les sanctions contre la Russie, producteur d’énergie fossile. Les nouvelles énergies solaires, éoliennes, hydrogène, et même nucléaire, sont produites par les pays consommateurs. Les pays exportateurs d’énergies fossiles, à l’image des Emirats Arabes Unis, se préparent à ce bouleversement de la géostratégie de l’énergie.

L’ère industrielle au 19ème siècle s’est construite à partir du charbon. Le 20ème a vu l’essor du pétrole et du gaz. Ces 3 combustibles provenant de la croûte terrestre, chaque pays possédait, ou pas, dans son sous-sol de telles ressources. Leur absence obligeait leur importation depuis les pays qui les détenaient. Le détenteur dominait le consommateur.

Une première rupture de ce schéma s’est produite avec l’exploitation des centrales électronucléaires, l’énergie étant alors produite dans le pays consommateur. Cette rupture va s’amplifier avec les énergies renouvelables, solaire, éolien, hydrogène. Toutes peuvent être produites dans les pays de consommation.

La rente énergétique du sol, va progressivement perdre ses parts de marché.

Les pays producteurs d’énergies fossiles doivent impérativement se préparer à cette révolution. Les Émirats Arabes Unis ont également mis en place une stratégie à long terme dans ce sens.

Mais qui seront donc les grands pays producteurs d’énergie renouvelables ?

Les grands du « renouvelable »

Les grands pays leaders dans la production d’énergie renouvelables relèveront de plusieurs critères. Les pays à forte population, Chine, Inde, par la taille de leur marché intérieur, et leur forte utilisation du charbon, ont mis en place des plans de production de renouvelables très amitieux. L’Inde vise 50% de sa production d’électricité d’origine renouvelable pour 2030.

Un autre paramètre concerne le niveau global de consommation d’énergie. Les États-Unis premier consommateur mondial vont donc jouer un rôle important. Ils visent en effet une part de 30% de renouvelables dans la capacité énergétique installée totale….dès 2030.

En troisième lieu, les pays possédant les équipementiers technologiques, du solaire, de l’éolien et de production d’Hydrogène vert, joueront un grand rôle. Dans ce mix, on retrouve naturellement la Chine et les États-Unis.

Si la Chine est leader dans la production des panneaux photovoltaïques, les États-Unis, via le DoE (Département de l’Énergie) ont décidé d’investir 750 millions de dollars dans la filière Hydrogène, avec pour objectif la production de 10 Millions de Tonnes d’Hydrogène vert en 2030, accompagné d’une réduction de son prix à moins de 2 dollars par kilo, d’ici 2026….et 1 dollar par kilo dans 10 ans. Les objectifs et les stratégies sont clairs et ambitieux.

Devant cette évolution technologique, les pays exportateurs de pétrole et de gaz doivent se mettre en ordre de bataille.

Les impératifs des exportateurs d’énergie fossile

En premier lieu, ils doivent assurer la décarbonation de leur propre consommation.

Mais dans le domaine de la diversification, la stratégie des Émirats Arabes Unis doit retenir l’attention. Abu Dhabi a en effet mis en place un programme solaire global, en termes d’installations sur son propre sol, à l’image du parc solaire d’Al Dhafra, un des plus grands au monde, et d’investissements dans cette technologie dans d’autres pays, Turquie, Jordanie.

En parallèle, les Émirats ont mis en valeur leurs ressources hydrauliques avec la contribution d’une centrale hydroélectrique, à Hatta, d’une puissance de 250 MW, une première dans toute la région. En parallèle, ils ont aussi investi dans l’électronucléaire avec la centrale de Barakha, inaugurée il y a juste 2 ans, dotée d’une puissance de 5.600MW, représentant à elle seule 25% de la consommation.

Cette diversification énergétique nationale a donc été rapidement mise en place.

Le deuxième impératif est de développer de nouvelles filières énergétiques pour compenser la baisse à long terme des exportations de pétrole. La filière hydrogène, et spécialement d’hydrogène vert, représente ce substitut.

Les Émirats ont également pris ce cap mais en choisissant exclusivement la filière décarbonée, verte. Cette stratégie s’est concrétisée il y a 18 mois par la signature d’un contrat de 5 milliards de dollars entre Engie et le groupe émirien Masdar, spécialisé dans les énergies renouvelables. L’objectif est de mettre en place des projets de production d’hydrogène vert d’au moins 2GW d’ici 2030 afin de fournir les autres pays du Golfe et au-delà dans un deuxième temps.

Plans et réalisations sont alignés avec l’objectif Net Zéro émission en 2050 dans les E.A.U.

En conclusion, les énergies renouvelables, et leurs technologies vont apporter un changement considérable dans la carte énergétique mondiale, chaque pays consommateur augmentant sa part de production nationale. Cette dynamique impactera les pays exportateurs d’énergie fossile, et leurs entreprises pétrolières. Ces dernières devront piloter le changement vers des énergies renouvelables dans leur propre pays. C’est à travers ce décryptage qu’il faut voir, et comprendre, la nomination du président de la compagnie pétrolière émirienne Ahmed Al Jaber à la présidence de la COP 28 qui se tiendra dans 6 mois à Abou Dhabi. Les compagnies pétrolières seront d’importants contributeurs à la décarbonation de l’énergie mondiale, grâce à leurs capacités technologiques et financières.