Exposition universelle de Dubaï : implications économiques, politiques et sécuritaires

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Article paru sur La Tribune le 8 octobre 2021

Les Expositions universelles illustrent depuis 170 ans le cheminement du développement du monde industriel. L’ouverture, il y a quelques jours, de l’Exposition de Dubaï se place dans cette tradition. Son emplacement aux Emirats Arabes Unis, en cette période de transformation du monde, lui donne un caractère particulier. Elle représente le degré d’intégration de ce jeune État au sein de la planète mondialisée et constitue aussi une occasion de regarder les relations économiques de la France avec les Émirats.

L’exposition universelle de Dubaï est déjà la cinquième du 21e siècle, mais elle constitue cependant un tournant significatif. Elle est la première à se situer au Moyen-Orient, et elle se déroule à un moment où l’humanité se trouve confrontée à un grand nombre de défis, environnementaux, sanitaires, énergétiques, et géopolitiques. Elle garde toutefois son rôle historique et symbolique de présenter et représenter le progrès, sous toutes ses formes, techniques, technologiques et culturelles. 191 pays y participent et 25 millions de visiteurs sont attendus.

Il est intéressant de mentionner les deux thèmes forts qui ont été retenus pour exprimer l’ambition de cet évènement : « Connecter les esprits, construire le futur ». Ils représentent des objectifs, aussi bien pour la planète, que pour les Émirats Arabes Unis eux-mêmes.

La France y est bien sûr représentée avec un pavillon dont la devise : « L’innovation à la vitesse de la lumière » s’inscrit parfaitement dans la thématique générale.

Cet évènement, s’il est ouvert sur le monde, constitue aussi une occasion de se pencher sur les relations économiques de la France avec les Émirats Arabes Unis.

Des relations économiques favorables à la France

Nos échanges commerciaux avec les Émirats se sont établis à 3,9 milliards d’euros en 2020 mais ils sont en recul de 19% par rapport à 2019. Ce recul s’explique par le recul paradoxal de nos importations.

Nous bénéficions avec ce pays d’un solde commercial positif, puisque nous avons exporté pour cette même année pour une valeur de 3,1 milliards d’euros par rapport à des importations de 752 millions d’euros. Ce solde net positif de 2,35 milliards d’euros positionne les Émirats Arabes Unis au 3e rang des pays avec lesquels nous avons des excédents commerciaux. Ils se situaient au 7e rang en 2019. Le graphique ci-dessous présente les 10 dernières années de ces échanges.

Economie Dubaï

Nous bénéficions donc d’une position favorable et qui s’améliore, grâce à la hausse de nos exportations aéronautiques. La qualité des relations franco-émiriennes peut être considérée à la fois comme une contribution à ce résultat et aussi comme une conséquence. Notre commerce est positivement influencé par le rôle de Hub que jouent les Émirats vis-à-vis des autres pays de la région. En effet, plus de 60% des exportations émiriennes sont en réalité des réexportations.

Cependant, nous restons dans de faibles valeurs puisque les Émirats Arabes Unis n’absorbent que 0,7% de nos exportations. Plus inquiétants est le repli du nombre d’entreprises françaises exportatrices vers ce pays, leur nombre est passé de 7.000 en 2018 à 6.800 aujourd’hui.

Si les Émirats connaissent avec la France d’excellentes relations commerciales, leur exceptionnelle position géographique, entre Arabie et Asie, et à proximité de l’Océan Indien, les conduit naturellement vers un commerce mondial.

Une mondialisation économique

Les statistiques des échanges commerciaux mettent tout d’abord en évidence le très confortable excédent commercial dont bénéficient les Emirats. Forts de 316 milliards de dollars d’exportation de biens, ils dégagent un excédent de 48 milliards en 2019.

Les clients des Emirats sont mondialement répartis, puisque parmi les 7 principaux, on trouve dans l’ordre l’Arabie Saoudite, l’Inde, la Suisse et la Chine…

A l’opposé, les fournisseurs des Émirats sont tout aussi bien mondialisés, puisque parmi les 7 premiers figurent, la Chine, l’Inde, les États-Unis, le Japon, et l’Allemagne… Le pays est donc au centre d’une toile d’échanges commerciaux mondialisés. Mais cette mondialisation ne s’est pas limitée au commerce. Cette volonté d’internationalisation s’est aussi étendue à la stratégie de développement technologique.

Les Émirats se sont très tôt lancés dans l’élaboration d’un programme spatial, les grandes puissances ayant démontré que la conquête de l’espace constitue le moteur essentiel des développements technologiques multi-domaines.

Une mondialisation… spatiale

Très tôt, en 2006, les Émirats financent un satellite construit en Corée du Sud. Il sera lancé depuis la Russie, en 2009, par une fusée d’origine ukrainienne… Des opérations spectaculaires vont même voir le jour avec le lancement en 2019 du premier astronaute émirien Hazza Al-Mansoori à bord d’un Soyouz Russe, vers la Station Spatiale Internationale. Cette année leur sonde « Hope » a réussi l’exploit d’une mise en orbite autour de la planète Mars…

Les Émirats se sont rapprochés de la France pour mettre en place une coopération ultra-sensible, réunissant l’espace et le militaire, donc le sécuritaire. Un contrat de 700 millions d’euros a été signé en 2013 avec le ministre français de la Défense d’alors, Jean-Yves Le Drian. Ce projet couvrait la fourniture de deux satellites d’observation à très haute résolution, de type Hélios.

Les Émirats rentraient ainsi dans le club très fermé des partenaires militaires et sécuritaires de la France. Ce degré de coopération dans le domaine très fermé du sécuritaire continue d’ailleurs de se développer.

Un Émirien candidat à la présidence d’Interpol

Ahmed Naser Al-Raisi, Inspecteur général du ministère de l’Intérieur des Émirats, est en effet candidat à la tête de cette organisation sécuritaire mondiale. Cette candidature représente une nouvelle étape dans l’intégration des Émirats dans les structures exécutives mondiales. Le président d’une telle organisation ne saurait venir directement de l’extérieur.

Le major général Al-Raisi fait déjà partie depuis 3 ans de cette prestigieuse structure, y est membre du comité exécutif et coordonne les activités de l’Organisation pour toute la zone Asie. Très récemment, en juillet, les Émirats Arabes Unis ont joué un rôle particulièrement important dans l’opération Liberterra impliquant 47 pays. Plus de 280 criminels impliqués dans la traite d’êtres humains et le trafic de migrants, dans le monde entier, ont été arrêtés. Cette opération menée à partir d’Abu Dhabi a mis en œuvre des ressources informatiques de haute technologie récemment acquises.

Les Émirats ont en effet décidé d’accélérer la mise en place dans toute leur administration de moyens informatiques de toute dernière génération. Ils ont même créé, en mai 2019, un ministère de l’Intelligence artificielle. Une première mondiale ! C’est un jeune Émirien de 27 ans, Omar Bin Sultan Al-Olama, qui fut nommé à sa tête. La volonté est claire, les moyens sont emblématiques.

Un tel savoir-faire représente une contribution importante pour qu’Interpol puisse toujours se placer à la pointe des techniques de traitement et d’échange de données, ainsi que des ressources offertes par l’Intelligence artificielle. L’élection d’un candidat émirien à la présidence d’Interpol reflèterait également les avancées sécuritaires régionales au Moyen-Orient.

L’apport des accords d’Abraham

L’annonce de ces accords au cours de l’été 2020 a donné un élan puissant et nouveau aux relations diplomatiques et sécuritaires entre l’État d’Israël et de nouveaux partenaires. L’ouverture de relations diplomatiques entre Tel-Aviv, Rabat et Abou Dabi a donné une impulsion vers de larges échanges économiques mais aussi la mise en place de relations de confiance, indispensables à une coordination sécuritaire.

La visite du Pavillon israélien par le ministre de l’Intérieur de Tel-Aviv, Ayelet Shaked, à l’occasion de l’Exposition universelle de Dubaï, ne doit rien au hasard. Ce Pavillon est d’ailleurs conséquent, et situé à proximité de celui du pays hôte… Avant ses responsabilités actuelles, la ministre, Ayelet Shaked, a exercé les fonctions de ministre de la Justice de 2015 à 2019. Sa visite pourrait donc être qualifiée de doublement sécuritaire.

Des échanges sont normalement prévus avec son homologue Émirien Saif bin Sultan al-Nahyan, également vice-Premier ministre. Des initiatives conjointes seront présentées des deux côtés. Qui aurait pensé cela possible il y a quelques temps ?

La parfaite intégration des pays du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord constitue un élément clé de la réussite de la coopération sécuritaire mondiale. En janvier de cette année, en tant que membre non permanent, les Emirats ont intégré le Conseil de Sécurité de l’Onu.

La réalisation de l’Exposition universelle à Dubaï constitue une vitrine mondiale pour un pays pleinement en phase avec l’ouverture sur le monde et le développement technologique. Cet évènement montre que les Émirats Arabes Unis sont pleinement à même d’exercer les responsabilités auxquelles ils aspirent.