Après la destruction du Consulat iranien à Damas…

carte du Moyen Oirent

Le 1er avril, 6 missiles ont pulvérisé un bâtiment annexe de l’ambassade d’Iran en Syrie. Cette opération, très probablement réalisée à partir d’une opération aérienne, n’a pas été revendiquée. Cependant elle porte l’empreinte de l’armée d’Israël, à double titre. D’abord, depuis plusieurs années, l’armée de l’air israélienne mène des frappes en Syrie contre la présence iranienne, en les revendiquant très rarement. Mais en dehors de la frappe, qui représente la fin de la chaîne d’évènements, il faut considérer son début, c’est-à-dire la capacité de renseignements qu’une telle opération nécessite. On devine derrière cette capacité le savoir-faire des services de renseignements israéliens…

L’objectif, le jour, l’heure et…

Cette opération rappelle fortement celle menée (mais revendiquée) par les États-Unis le 3 JANVIER 2020 pour éliminer le général iranien Soleimani, chef de la force Qods, c’est-à-dire de la structure en charge des opération extérieures des Gardiens de la Révolution. Les services américains, civiles et militaires, avaient pu obtenir le jour et l’heure exacte de son arrivée, de nuit, à l’aéroport de Bagdad. Une telle précision est très certainement le résultat de la convergence de renseignement humains (HUMINT) et électroniques (ELINT) par interceptions de communications.

Tel est certainement le cas pour l’opération menée contre les participants de la réunion dans les bâtiments du consulat iranien à Damas, le 1er avril.

Mais en plus, cette capacité de renseignement signifie AUSSI, que le contenu des échanges entre les participants, l’ordre du jour, est très probablement connu par ceux qui mènent les opérations de renseignement. Dans le cas de l’élimination du général Soleimani, en 2020, ce n’était pas tant sa personne qui était visée, que les plans qu’il était venu finaliser à Bagdad. Il venait de Damas, et les sujets à l’ordre du jour concernaient des attaques coordonnées contre les intérêts américains au Moyen-Orient.

C’est fondamentalement ces préparatifs qui ont conduit les services de sécurité américains à recommander au Pentagone et à la Maison-Blanche l’élimination de « l’organisateur en chef ». À cette date, le général Soleimani dirigeait la force Qods depuis….. 22 ans…..Si son élimination avait été décidée par rapport à sa position et à son rôle, elle aurait pu avoir lieu depuis longtemps. Si elle a été décidée à ce moment, c’est qu’à ce moment, des décisions particulières avaient été prises. C’est donc l’homme et les décisions dont il était porteur, que l’on a décidé d’éliminer. Le message envoyé n’était nullement « nous visons la destruction de la Force Qods », mais « Pas question que vous réalisiez le plan que vous venez de finaliser »…

Participants et objectifs de la réunion de Damas

La principale victime, et cible, de cette opération du 1er avril a été le général Zahedi, coordinateur pour la force Qods des opérations au « au Liban, en Syrie, et en Palestine ». Deux de ses collaborateurs ont également été tués, ainsi que cinq autres membres des Gardiens de la révolution, plus un Libanais et un Syrien, tous militaires.

On retrouve donc ici le rôle essentiel de l’Iran auprès des acteurs régionaux de la crise actuelle, rôle d’initiative, de planification, et logistique.

La décision de frappe exprime la volonté de tenir Téhéran comme responsable et cheville ouvrière, non seulement de l’attaque du 7 octobre, mais de l’ensemble des opérations qui ont entouré cet acte de terreur. La déstabilisation de la région a été amplifiée, à dessein, par l’ouverture d’un front de tensions militaires sur la frontière d’Israël avec le Liban, et l’intervention des rebelles Houthis sur la circulation maritime mondiale en Mer Rouge, et dans le Golfe d’Aden. Plan conçu par Téhéran. L’ancien ministre iranien des Affaires Étrangères l’a implicitement reconnu …le 10 octobre….

Un autre objectif de cette frappe a été de dégrader la capacité de la force Qods des Gardiens de la Révolution de Téhéran, dans la région. A l’évidence, ces officiers supérieurs seront remplacés dans l’organigramme, mais rien ne pourra remplacer les 40 années d’expérience acquise par le général Zahedi au sein même des Gardiens de la Révolution.

Reste maintenant à envisager quelle forme prendra la riposte promise par le Guide Suprême de la République islamique. Il a promis qu’Israël allait recevoir « une gifle » ….

Les représailles possibles iraniennes

En symétrie de cette intervention sur des bâtiments officiels iraniens, considérés donc comme faisant partie du territoire iranien, Téhéran peut lancer une opération contre des bâtiments israéliens, en dehors du territoire Hébreux. Le gouvernement israélien a déjà décidé la fermeture de 24 représentations du pays à l’étranger.

Une autre forme de représailles pourrait consister dans le lancement de missiles depuis le territoire iranien contre des objectifs en Israël. La question qui se pose alors est le caractère « ouvert » d’une telle opération. La trajectoire de plusieurs milliers de kilomètres de ces missiles, passant au-dessus de territoires d’autres pays, outre leur détection et authentification (par les satellites américains) constitue une signature de l’action, alors que les frappes (très probablement) israéliennes n’ont pas été reconnues par Tel-Aviv.

Fidèle à sa stratégie d’utilisation de milices ou de mouvements militaires relevant d’autres pays, l’Iran a la possibilité de lancer des missiles contre Israël depuis les territoires libanais ou syrien, ces deux pays étant impliqués dans l’opération de Damas, par le lieu, ou la nationalité des victimes.

Toujours dans le cadre d’une réponse sanglante, on doit inclure la possibilité d’actions terroristes sur le sol israélien, ou contre les forces israéliennes en Cisjordanie, de la part du Djihad Islamique par exemple.
Enfin, comme cela a commencé en Israël le 4 avril, on peut anticiper le déroulement de cyber attaques mettant en difficulté la population israélienne et l’administration dans son fonctionnement.

Il convient d’ajouter que plusieurs de ces opérations pourraient être menées de façon concomitante, ou réparties dans le temps.

Toutefois, il convient d’intégrer que Téhéran ne souhaitera probablement pas se diriger vers une escalade militaire directe vis-à-vis d’Israël, ni des Etats-Unis, qui ont pris soin d’avertir Téhéran de leur non implication dans l’opération de Damas.

Il ne faut surtout pas oublier la situation intérieure très difficile dans laquelle se trouve l’Iran quels que soient les efforts de ses relais d’influence en France, pour faire croire le contraire. Le niveau d’inflation, de chômage, de mécontentement social, a poussé la population vers une opposition politique traduite par un taux de participation incroyablement faible (10-15%) lors des élections législatives du 1er mars.

Ce résultat électoral, signifie qu’un divorce s’est installé entre le pays et le pouvoir. Une escalade militaire extérieure rendrait la vie réelle des iraniens encore plus compliquée. Le pouvoir politique ne veut certainement pas accélérer cette spirale. Après 45 ans de pouvoir, et de tels résultats intérieurs, le guide suprême de 84 ans a le dos au mur. La répression massive est la seule arme restante, à l’image des 853 exécutions capitales de l’année 2023…

Des représailles, oui, une augmentation de la tension régionale, à l’évidence, une escalade vers la guerre, certainement pas…

Gérard VESPIERRE