Le compte à rebours Ukrainien

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Quel que soit le terme du conflit Russo-Ukrainien, il ne peut en aucun cas se satisfaire de la situation militaire actuelle, à savoir un front stabilisé. Moscou a décidé d’incorporer à la Russie des entités (Oblasts) dont elle ne contrôle pas la totalité du territoire à l’image des Oblasts de Donetsk et de de Kherson. En parallèle, l’Ukraine ne peut accepter d’entamer de réelles négociations tant qu’elle n’a pas repris plus de son territoire perdu, voire mettre la Russie en difficulté. Les armes sont donc appelées à produire un verdict.

Les autorités Ukrainiennes ont réclamé à leurs soutiens occidentaux depuis de nombreux mois des équipements militaires nouveaux, chars lourds, avions, missile à plus longue portée, de façon à déclencher une nouvelle offensive de reconquête de son territoire. L’opération militaire précédente, outre le recul Russe autour de Kiev, avait permis de désenclaver Kharkiv, et de libérer Kherson. La Russie après avoir contrôlé plus de 20% du territoire Ukrainien se retrouve donc après plus de 15 mois de guerre à moins de 15%….

Toute nouvelle offensive Ukrainienne se doit de développer au préalable des opérations de déstabilisation de l’adversaire Russe, avant de lancer une nouvelle phase de combats, qui se doit de respecter la règle N°1 de l’art de la guerre : la surprise.

Une déstabilisation en 3 temps

Les opérations développées par Kiev depuis début Mai sont décrites par certains observateurs comme une « offensive perlée ». Cette image ne correspond nullement au rationnel de la situation, car les drones lancés sur la Russie, et les opérations menées autour de Belgorod ne font nullement partie de l’offensive. Ces opérations font partie d’un dispositif global de déstabilisation. Les objectifs sont de perturber les analyses et le fonctionnement de l’appareil militaire Russe, et de créer un malaise dans la structure politique.

Cette phase de déstabilisation, a commencé par l’envoi d’un drone au-dessus du Kremlin, de nuit, le 3 Mai, puis fin Mai, une deuxième opération de drone frappant des quartiers de Moscou.

Le 25 Mai pour la 1ère fois, une force militaire organisée, mais limitée en effectif pénètre en Russie dans la région de Belgorod. On y voit apparaître des « légions » de combattants présentés comme Russes, se battant pour la liberté de la Russie

Enfin, tout début Juin, des opérations sont menées en plusieurs points du front de 800km, en Ukraine, particulièrement autour de Bakhmout.

Conséquences de ces évènements

L’ensemble de ces opérations ont pour objectif de provoquer de nouvelles contraintes sur le commandement militaire Russe. Elles font toutes appel à l’effet de surprise, règle N°1 de l’art de la guerre. Cette surprise plus les conséquences de ces opérations obligent les forces russes à s’occuper d’elles-mêmes :

  • Pourquoi des incursions aériennes sont-elles possibles aussi loin à l’intérieur du territoire Russe ?
  • Pourquoi ces drontes n’ont-ils pas été détruits par la défense aérienne ?
  • Comment éviter des incursions, sur le sol Russe, dans le futur ?

Ces questions et l’’ensemble des réponses qui doivent être apportées vont occuper le système de commandement. Pendant ce temps, il ne peut s’investir sur le théâtre d’opération Ukrainien.

D’un point de vue psychologique, ces opérations continuent de mettre le dispositif militaire Russe sur la défensive. Elles pointent également les faiblesses continues de l’appareil militaire d’un pays, considéré il y a 18 mois comme la deuxième armée du monde…. A l’évidence, placée sur la défensive, et plus de 200.000 morts et blessés plus tard, le monde découvre que ce n’est pas le cas. Plus grave, l’armée Russe découvre elle-même ce qu’elle est en réalité…..

Tout aussi grave, la population Russe se rend compte que son armée, et le discours politique de supériorité et d’invincibilité des nouvelles armes hypersoniques, ne correspond pas à la dure réalité. Cela ne peut que contribuer à l’élargissement de la fissure entre le pouvoir politique, son dirigeant suprême et le peuple. La propagande, aussi puissante soit-elle, ne peut rien contre le principe de réalité. Cette dernière finit toujours par prévaloir au moment où les fissures se transforment en fracture.

Naturellement les forces Russes ne peuvent rester sans réagir.

La destruction du barrage sur le Dniepr

Cette opération répond à n’en pas douter, aux coups portés sur le territoire Russe. En parallèle, elle oblige l’armée et le gouvernement Ukrainien à consacrer du temps et des ressources à combattre les conséquences de cette destruction. Les inondations ainsi créées obligent à des opérations d’évacuation de civils, et portent également atteinte au moral de la population.

A l’inverse, elle crée aussi un réflexe d’horreur, et contribue aussi à renforcer la détermination des combattants Ukrainiens.
Les conséquences géographiques de ces inondations devraient de faible ampleur sur le plan militaire. Les forces Russes restent pour le moment retranchées sur la rive gauche, donc au sud, du Dniepr.

La potentielle offensive Ukrainienne est attendue plus à l’Est, vers la ville de Melitopol. Mais cette destruction outre les conséquences sur la production d’énergie électrique, pourrait conduire le commandement militaire Ukrainien à reporter de quelques jours, ou semaines, une offensive qui était présentée comme imminente…

L’inévitable offensive

Les opérations menées depuis quelques semaines créent « un brouillard » autour des intentions et des objectifs de l’armée Ukrainienne, ce qui est exactement le but recherché.

Il est très difficile d’estimer le lieu et l’heure. Par contre, il demeure nécessaire pour le pouvoir politique Ukrainien de disposer de cartes nouvelles, de gains militaires, de nouveaux territoires libérés pour accepter d’envisager des débuts de négociations.

Pour le moment, les forces Russes n’ont pu prendre Kiev, se sont retirés de la région de Kharkiv et ont évacué Kherson, mais tout cela ne fournit pas encoure au président Zelensky des cartes politico-militaires suffisamment fortes pour accepter le principe d’une négociation.

Seule une rupture du front Russe sur le territoire Ukrainien est susceptible de créer cette situation.

L’armée Ukrainienne reçoit depuis 6 mois les matériels nécessaires, chars lourds, véhicules blindés de transport de troupe, et moyens de frappes.

Elle dispose à ce jour de pratiquement 3 fois plus de canons Caesar français, et également 3 fois plus de systèmes Himars américains (frappe de précision à 60-80 km) qu’elle n’en possédait à l’automne dernier.

Elle dispose de tous les renseignements satellitaires possibles sur le dispositif défensif Russe grâce aux moyens d’observation des États-Unis.

En conséquence, seul manque maintenant l’ordre d’attaque….

Certes des canaux divers de communication existent entre la Russie et l’Ukraine. Ils ont servi à régler de nombreux échanges de prisonniers. Ils ont permis aussi la poursuite des exportations de céréales….. On peut donc facilement imaginer qu’ils pourraient être utilisés pour aboutir à un cessez-le-feu… Mais il ne semble pas que le sort des armes, actuellement, d’un côté comme de l’autre, puisse conduire à une telle suspension de l’affrontement.

A l’évidence, les semaines à venir vont être de la plus haute importance.

Il y eu « un 6 Juin » en 1944, pour libérer le territoire européen d’une oppression. Le mois de Juin 2023 sera peut-être, aussi, à retenir…