Les Emirats Arabes Unis, nouvel arbitre dans la politique israélienne ?

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Article paru sur Atlantico le 8 février 2023.

Une nouvelle majorité à la Knesset fin 2022, a réuni conservateurs et ultra-conservateurs. Ce paysage politique plus radical, conduit à une position d’affrontements assumés avec la minorité arabe, en Israël, et vis-à-vis des Palestiniens de Cisjordanie. Mais les accords d’Abraham en 2020, ont créé une impulsion nouvelle, de reconnaissance et de coopération avec plusieurs pays arabes, Les Émirats Arabes Unis, le Bahreïn, et le Maroc.

Ces deux visions politiques, intérieure et extérieure, semblent s’opposer. Deux questions se posent : le gouvernement israélien va-t-il pouvoir mener de front, vis-à-vis du monde arabe, une politique répressive à l’intérieur et une politique de coopération à l’extérieur ? Dans cette situation, les Émirats, principal nouvel allié régional, vont-ils avoir à jouer un rôle politique et diplomatique particulier, et central ?

De nouveaux affrontements meurtriers

A Jérusalem-Est, 7 personnes ont été tuées vendredi 27 janvier près d’une synagogue pendant les prières du début du shabbat. Cette fusillade intervient au lendemain de la mort de neuf Palestiniens dans un raid de l’armée israéliennes dans le camp de Jénine, ville du nord de la Cisjordanie. Le raid ciblait le groupe Jihad islamique qui planifiait une attaque en Israël, d’après des sources israéliennes. Il a également fait des dizaines de blessés

Devant cette situation, l’Autorité palestinienne a annoncé mettre fin à la coopération sécuritaire avec Israël.

Cette situation suscite de vives inquiétudes et des appels à la désescalade venant aussi bien de Paris, de Washington, que de Moscou. Gageons que cela a figuré en haut de l’agenda de l’entretien à l’Élysée entre Emmanuel Macron et Benjamin Netanyahou .

Elle coïncide avec une intense activité diplomatique américaine, très visible, avec les visites successives du chef de la CIA, William Burns, et du Département d’État, Antony Blinken, entre le 26 et le 31 janvier aussi bien en Israël ….qu’en Cisjordanie…. Elles interviennent après celle de Jake Sullivan, Conseiller National à la Sécurité, le…. 19 janvier. Un gouvernement associant, extrême droite, religieuse, et activisme sécuritaire, inquiète les États-Unis, et conduit à ce ballet diplomatique.

Territoire Palestinien et colonies

La question n’est pas tant les règles d’engagement des forces israéliennes en Cisjordanie qu’un essor des colonies ou l’annexion de territoires.

Plus de 400 000 colons vivent actuellement en Cisjordanie occupée, morcelant ce territoire et menaçant selon l’ONU la solution à deux États, une Palestine indépendante et stable aux côtés d’Israël.

Or, Bezalel Smotrich, dirigeant le parti Sioniste Religieux, ministre des finances du nouveau gouvernement, également responsable des colonies en Cisjordanie, a déjà annoncé son projet de légaliser un ensemble de colonies dites sauvages, c’est-à-dire non reconnues par Israël.
La situation est donc suffisamment sérieuse pour que de nouveaux acteurs diplomatiques tels que les Émirats Arabes Unis s’y impliquent, à l’image des interlocuteurs traditionnels, France et États-Unis.

Une très discrète visite israélienne

Le ministre israélien des Affaires Stratégiques, Ron Dermer, a fait une visite très discrète aux Émirats Arabes Unis, il y a une dizaine de jours. Ce déplacement est certes intervenu juste avant les évènements sanglants du 27 janvier, mais il se situe à l’épicentre de la politique israélienne, à savoir évoquer aussi bien la politique intérieure, que la question palestinienne, avec le nouveau et plus important partenaire, régional, arabe.

Ron Dermer, ancien ambassadeur à Washington a eu un rôle déterminant dans la préparation des accords d’Abraham, destinés à normaliser les relations d‘Israël avec les pays arabes. Il est donc particulièrement bien placé pour être à la tête du ministère des Affaires Stratégiques, et le premier membre du nouveau gouvernement à visiter Abu Dhabi. La nature stratégique des relations entre les Émirats et Israël était également soulignée par la présence du côté israélien de Tzachi Hanegbi, conseiller à la sécurité Nationale.

L’un des objectifs de ce déplacement était de rassurer les Émirats concernant les membres du gouvernement d’extrême droite religieuse. Cela s’avéraitnécessaire après la visite très controversée au Mont du Temple, d’Itamar Ben Gvir, ministre de la Sécurité Nationale.

L’autre objectif concernait la question palestinienne, les Emirats souhaitant une solution à 2 États, tout en restant opposé à un succès du Hamas, ce mouvement se situant dans l’orbite des Frères musulmans.

L’importance de ces deux volets illustrent la priorité accordée par Jérusalem à ses relations avec Abu Dhabi, et donc la position nouvelle que les Émirats devraient être appelés à jouer dans la diplomatie du Moyen-Orient.

Du côté français, les excellentes relations avec Abu Dhabi devraient permettre à Paris de continuer d’influencer, les longues négociations sur la question de la paix au Moyen-Orient. Cela peut s’avérer particulièrement utile au moment où le dialogue direct avec le gouvernement Netanyahou peut s’avérer plus difficile.