L’État de droit au cœur de l’Europe : comment Andorre, Le Liechtenstein et Monaco ont affaibli les valeurs de l’UE

L’État de droit au coeur de l'Europe : comment Andorre, Le Liechtenstein et Monaco ont affaibli les valeurs de l'UE

Par Gérard Vespierre, Le Monde Décrypté

RESUME EXECUTIF

L’État de droit est l’un des « principes qui constituent la base de toute démocratie véritable », selon le Conseil de l’Europe[1]. Il est essentiel que les nations européennes et l’UE protègent cette valeur fondamentale sur l’ensemble du continent. Toutes les failles et tous les oublis, qu’ils soient constitutionnels, financiers ou relatifs aux libertés individuelles, doivent être identifiés et corrigés.

Ce rapport identifie des menaces pour l’État de droit en Europe provenant de 3 micro-États : Andorre, le Liechtenstein et Monaco.

En raison de la taille de leurs secteurs bancaire et financier, ces nations ont une influence considérable sur les marchés financiers européens, bien qu’elles ne soient pas membres de l’UE. Le rapport démontre que ces micro-États, faiblement taxés et peu réglementés, ont servi de cadre à plusieurs scandales bancaires et politiques. Ces affaires ont perturbé la stabilité financière de l’Europe et atteint la réputation de l’U.E. en tant que championne de l’État de droit.

Ce rapport étudie la gouvernance, l’environnement fiscal et les engagements internationaux de chaque nation et identifie trois cas où les gouvernements respectifs ont gravement manqué à leur obligation de respecter l’État de droit :

ANDORRE : Banca Privada d’Andorra (BPA)

En 2015, le Trésor américain (FinCEN) a publié un avis désignant la BPA comme une institution financière étrangère suscitant une préoccupation majeure en matière de blanchiment d’argent. Les autorités andorranes ont réagi en saisissant le contrôle des actifs de la banque, malgré les préoccupations des actionnaires de la banque qui estimaient que l’avis était malencontreux.

Depuis, le FinCEN a retiré sa notification et les tribunaux espagnols ont blanchi BPA de toute faute. De multiples sources ont affirmé que l’intervention était le résultat d’un conflit politique entre l’Espagne et la Catalogne. L’incapacité d’Andorre à faire respecter l’État de droit a permis que cette affaire existe.

L’affaire BPA illustre comment le non-respect de l’État de droit et l’absence de procédure régulière dans la réglementation bancaire peuvent mettre en danger entreprises privées et particuliers. Elle montre également la capacité des États-Unis à intervenir dans le système bancaire de l’UE, avant toute implication d’une institution européenne.

LIECHTENSTEIN. Affaire fiscale du Liechtenstein / Liechtenstein Global Trust bank (LGT)

En 2008, les autorités allemandes ont révélé que LGT avait aidé plus de 1.300 personnes à frauder le fisc en faisant évader d’Allemagne 4 milliards d’euros en direction de fondations et de trusts créés par la banque. Le scandale a menacé la stabilité du Liechtenstein et l’image de la famille royale. L’affaire a pris fin après deux ans d’enquêtes et d’actions en justice. Le Liechtenstein a accepté de verser à l’Allemagne un montant record de 50 millions d’euros.

Ce dossier illustre comment une réglementation financière laxiste, une mauvaise gouvernance et le non-respect de l’État de droit, peuvent être exploités par des entités et des personnes extérieures à la juridiction.

MONACO. « Monacogate »

En 2017, des journaux français ont révélé qu’un oligarque russe avait influencé de hauts fonctionnaires monégasques afin qu’ils interviennent dans un différend personnel, et organisent l’arrestation d’un partenaire commercial. Lui et neuf autres personnes ont ensuite été inculpés pour une série d’infractions liées à cette arrestation.

Le « Monacogate » illustre comment les juridictions qui manquent de transparence et de contrôle risquent d’être subverties, et permettent à des personnes physique riches et influentes de saper l’État de droit, au bénéfice de leurs propres intérêts.

Ce rapport recommande trois domaines dans lesquels l’UE pourrait chercher à améliorer l’État de droit dans ces micro-États.

[1] https://rm.coe.int/1680306052

1. Ratification de la Convention sur la lutte contre la corruption d’agents publics étrangers dans les transactions commerciales internationales

Ni Andorre, ni le Liechtenstein, ni Monaco n’ont encore ratifié cette Convention de l’OCDE, qui utilise un système d’examen par des pairs pour responsabiliser ses signataires. Cette Convention contribue à la mise en œuvre des instruments de l’OCDE contre la corruption et le blanchiment d’argent.

2. Extension de l’intégration et de la coopération en matière de surveillance avec les États membres de l’UE

Les micro-États et l’UE devraient donner la priorité à la conclusion de nouveaux accords bilatéraux sur les questions économiques et financières. En outre, les membres de l’UE ayant des liens politiques et économiques étroits avec les micro-États devraient soutenir activement Andorre, le Liechtenstein et Monaco dans le renforcement de l’État de droit.

3. Protection des lanceurs d’alertes

Les gouvernements des micro-États doivent faire tout leur possible pour faciliter l’action des lanceurs d’alerte. Ces actes se sont révélés avoir un effet dissuasif sur l’évasion fiscale et la corruption.

Co-publication, Le Monde Décrypté, The BRIDGE Tank, Paris