L’Irak, point central de développement dans un Moyen-Orient en tension

L’Irak, point central de développement dans un Moyen-Orient en tension

Israël, Iran, Liban, Syrie, nombreux sont les pays en tension dans cette région du monde. Tous ne disposent pas de ressources énergétiques. Après des années d’instabilité, L’Irak représente par sa position géographique, ses richesses, et ses 45 millions d’habitants, un partenaire privilégié dans le Moyen-Orient à venir. Les investisseurs régionaux et internationaux ne s’y trompent pas, et la France est de ceux-là. Il conviendra néanmoins de revoir quelques éléments du cadre politique et économique.

Malgré les bouleversements passés, et les importantes tensions actuelles, terrestres et maritimes, le Moyen-Orient dans sa position de plaque-tournante, entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique, et doté d’énormes richesses énergétiques, reste une zone stratégique d’investissements.
Dans cette vision géographique, le pays des 2 fleuves, Tigre et Euphrate, se situe au centre de la plaque tournante moyen-orientale, et jouit donc, avec une façade maritime sur le golfe Persique, d’une position géopolitique et géoéconomique privilégiée.
Au centre de la zone géographique du Moyen-Orient, il représente donc un point naturel d’équilibre et de convergence.

L’Irak point de rencontre

Parmi les racines de tensions régionales la rivalité, contemporaine, entre sunnites et chiites a été exacerbée par la prise de pouvoir des forces religieuses à Téhéran. Cette révolution a naturellement positionné, en face à face, le leader religieux du monde sunnite, l’Arabie Saoudite, et le leader politico-religieux du monde chiite, l’Iran.

Il est donc intéressant de rappeler que ces deux pays, dans leur conflit indirect par Yémen et Houthis interposés, ont établi contact et échanges en se retrouvant à Bagdad, à travers leurs services de renseignements respectifs. La position de l’Irak comme carrefour, et contributeur au dialogue régional se mettait en place.

Toujours dans la sphère religieuse, mais cette fois dans le domaine du dialogue inter-religions, il convient de mentionner la venue du Pape François en Irak en mars 2021. Il s’y est rendu afin de rencontrer à Najaf le grand Ayatollah Ali Al Sistani, une des plus hautes autorités du monde musulman chiite. A nouveau, l’Irak se place au centre du dialogue.

Cette position est particulièrement comprise par la France qui a entretenu depuis de nombreuses dizaines d’années, une relation globale avec Bagdad, politique, économique et militaire. Les visites, inhabituellement rapprochées, du président français en 2020, 2021 (et celle prévue en 2023, reportée à cause du conflit en Israël) indiquent clairement l’importance de l’Irak dans la vision française du Moyen-Orient. Paris et Bagdad ont même pris l’initiative de créer, et réunir régulièrement, une conférence régionale de coopération et de partenariat, afin d’accélérer, et de coordonner, le développement économique, et l’ouverture politique, de l’ensemble des pays de la région.

Coopération et développement avec la France

La France a décidé d’étendre sa présence institutionnelle en Irak, par l’ouverture d’un Consulat Général à Mossoul, en 2022, s’ajoutant à celui d’Erbil. Les contributions françaises, opérationnelles, sont orientées dans deux directions, la reconstruction après les 5 années de combats contre l’État islamique, et le développement des ressources et infrastructures.
La France s’est impliquée dans les opérations de déminage et de dépollution dans le nord, à Sinjar, près de la frontière syrienne. Elle a également doté d’un nouveau bloc opératoire l’hôpital de cette ville. Paris s’est impliqué dans les opérations de reconstruction en ouvrant en 2019 une ligne de financement d’1 milliard d’Euros sur 4 ans. Les industriels, Alsthom et Schneider électrique, sont engagés respectivement dans le métro de Bagdad, et dans la construction de 100 sous-stations du réseau électrique.

Mais le partenariat le plus important se situe dans le développement des ressources énergétiques, hydrocarbures et électricité, avec le groupe TotalEnergies, présent en Irak depuis 1920. Fin 2021, la société s’est engagée sur un investissement de 23 milliards d’Euros, le plus gros engagement d’investissement qu’une entreprise occidentale n’ait jamais signé en Irak. La signature d’un premier contrat de 10 milliards a été acté au printemps 2023. Le président de TotalEnergies a salué à cette occasion « la continuité de la parole de l’Etat d’Irak sur ce contrat, ce qui envoie un signal fort et positif pour les investissements étrangers dans le pays ».

Les projets concernent aussi bien l’accélération de la production de gaz naturel, que la construction d’infrastructures d’énergie renouvelable solaire, d’une capacité de 1.000 MW. Ils incluent également la construction d’une usine de traitement d’eau de mer, permettant ensuite son injection dans les nappes pétrolifères afin d’augmenter le taux de récupération d’huile.
A l’évidence de telles négociations requièrent du temps, une volonté politique, et un cadre juridique stable et fiable.

Des difficultés à résoudre

Malgré un esprit de coopération, et une volonté politique réciproque, il peut quelques fois survenir des situations difficiles, qui requièrent des arbitrages.
Telle est la situation dans laquelle se trouve le groupe Orange dans la région du Kurdistan. Une joint-venture avec un partenaire Koweitien avait été mise en place afin d’investir 800 millions de dollars dans la société Korek Telecom, opérateur de téléphonie mobile au Kurdistan, dirigée par Sirwan Barzani, cousin du président gouvernement régional. Les actions d’influence, entreprises par S. Barzani auprès de la Commission Irakienne de Régulation des télécommunications ont abouti à l’expropriation de la participation de la joint-venture menée par Orange, dans Korek Telecom.

Cette situation, contentieuse, a fait l’objet d’une décision arbitrale d’un tribunal sous l’égide de la Cour d’arbitrage internationale de la Chambre de Commerce Internationale. Elle a reconnu en mars 2023 dans sa sentence que Korek Telecom et Sirwan Barzani avaient mis en place une opération frauduleuse, par corruption de certains membres de la Commission de Régulation. Dans sa sentence, le tribunal arbitral a mis en évidence que ces actions frauduleuses, et des prêts fictifs montés par S. Barzani, contrevenaient aux termes du pacte d’actionnaires. Ce dernier a été condamné à payer 1,6 milliards de dollars à Orange et à son partenaire Koweitien, mais refuse pour l’instant d’obéir à la sentence arbitrale.

La réputation du clan Barzani et l’attractivité économique de la région du Kurdistan sont directement en jeu. La crédibilité internationale d’une région et d’un État, et la nécessaire protection des investisseurs sont remis en cause.
L’équilibrage des rapports de confiance avec les investisseurs est d’autant plus important que les besoins de l’Irak sont conséquents et diversifiés. Un cadre propice aux investisseurs doit se mettre en place.

Les États-Unis et l’Arabie Saoudite sont également des partenaires financiers importants, tant dans les réseaux électriques, pour les premiers, que dans l’immobilier ou l’agriculture pour le second.
Le gouvernement irakien ne peut qu’avoir à cœur de maintenir des pratiques, et un cadre juridique international, qui favorisent le développement économique d’un pays riche de ressources mais qui doit faire également faire face à de vastes besoins, entre autres de production électrique, et de ressources en eau.

La France a un indéniable rôle à jouer comme pays investisseur en Irak, étant donné le savoir-faire de ses industriels dans ces secteurs, et la volonté politique de coopération inter-étatique, affichée de longue date, de part et d’autre.