Niger : un putsch différent

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En à peine deux ans, trois coups d’État ont déjà eu lieu au Mali, Guinée et Burkina Faso. Et maintenant le Niger. A chaque fois, les militaires ont constitué la force de renversement du pouvoir en place. Mais la situation nigérienne présente des différences, intérieures et extérieures, qui pourraient laisser entrevoir, cette fois, une évolution différente.

Les coups d’État en Afrique de l’Ouest s’appuient sur des constantes et montrent des points communs avec la situation à Niamey : action rapide, organisée, mise en œuvre par une ou des unités des « structures de forces » du pays concerné. On retrouve au Niger cette méthode d’intervention. S’y ajoute également, dans l’ombre, l’action de forces extérieures, en l’occurrence l’implication du drapeau Russe dans les rues de Niamey, comme dans celles de Bamako et Ouagadougou.

Pourtant en analysant la situation, on y découvre des différences.

Des différences intérieures

D’abord, ce coup d’État lancé à Niamey n’est pas instrumentalisé par le chef d’État-Major, mais par le commandant de la Garde Présidentielle, au moment où sa destitution était, dit-on, imminente. Nous sommes donc plutôt devant un coup d’État pour « convenance personnelle ». L’armée nigérienne s’est certes ralliée à cette initiative, mais pas immédiatement et dans le souci de ne pas provoquer d’affrontements sanglants. Le Président Bazoum n’a nullement été mis au secret. Il continue de pouvoir recevoir des appels téléphoniques et s’est entretenu avec le Président Macron, le Secrétaire d’État Américain Blinken, qui l’a assuré d’un soutien indéfectible, ou certain de ses homologues. Cette situation est totalement étonnante !

Les intérêts français sont, cette fois, globaux – politiques, militaires et économiques. La filière industrielle française exploite en effet au Niger des mines d’uranium. Même si cette contribution au fonctionnement de nos centrales électronucléaires n’est pas essentielle, les mines Nigériennes contribuent à 15% de nos besoins en minerais d’uranium. Aucun enjeu de cette nature pour la France dans les autres pays du Sahel. En relation avec l’intérieur du pays, mais avec une forte implication internationale, le Niger est actuellement un partenaire militaire important des États-Unis qui y disposent de 3 bases, Niamey et Agadez principalement pour leur armée de l’Air, et Dirkou où la CIA opère des drones pour surveiller, entre autres, le territoire Libyen.

La France et les États-Unis ont donc au Niger des intérêts que nous ne retrouvons ni au Mali ni au Burkina Faso. La puissance de ces facteurs pourrait donc jouer un rôle important dans l’évolution et la résolution de cette crise.

Des différences aussi extérieures

La Communauté Économique de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) pourrait jouer un rôle qu’elle n’a pas tenu lors des coups d’État précédents. Tout d’abord, le Nigéria assure depuis le 7 juillet la présidence de cette institution en la personne de son président Bola Tinubu. La présidence de la CEDEAO se trouve donc exercée par le pays le plus peuplé, dépassant 210 millions d’habitants (25 millions pour le Mali) et dont le président a déclaré le jour de son élection à ce poste : « La démocratie est la meilleure forme de gouvernement, même si elle n’est pas facile à gérer ». Son appui au respect de l’État de droit et des institutions ne peut être que total.

De plus, la CEDEAO a décidé de mettre en place une capacité d’intervention militaire afin de combattre les mouvements djihadistes et de s’opposer au renversement par la force de régimes légitimes. En conclusion de sa réunion d’urgence ce 30 juillet, l’organisation a confirmé sa demande de réunion immédiate de tous les chefs d’État-Major des États membres.

Le putsch de Niamey face au temps

Tant l’Union Africaine que la CEDEAO ont donné aux forces putschistes un délai de moins de deux semaines, pour remettre en place au Niger le cadre constitutionnel et le président Bazoum au pouvoir. Si la Russie condamnerait le coup d’État, nous sommes à nouveau dans une situation fort différente des tentatives passées au Mali et au Burkina. La position de l’Algérie, fidèle allié du Kremlin, blâmant également cette tentative de putsch dans une déclaration commune avec le président du Bénin, confirmerait cette position. La façon dont sera résolue la crise, indiquera s’il s’agissait d’un double jeu, de la part d’Alger, ou non.

La communauté africaine, la France, l’Europe et les États-Unis montrent un engagement jamais affiché lors des coups d’État précédents.

La décision de la France de rapatrier ses ressortissants, 48 heures après la rédaction initiale de cette analyse, n’en modifie pas le fond. Il s’agit d’une mesure de précaution, vis-à-vis de nos concitoyens. Elle participe à l’abaissement des tensions, et peut s’intégrer aux incontournables négociations en cours

Au final, un possible retour du président Bazoum au pouvoir, pourrait donc dans ces conditions être envisageable. Le coup d’État du 26 Juillet à Niamey pourrait alors avoir été vraiment différent.