Élection du chef d’État Mauritanien à la tête de l’Union Africaine

Élection du chef d’État Mauritanien à la tête de l’Union Africaine

Par Gérard Vespierre (*)

Dans le cadre de sa présidence géographique tournante, entre 5 grandes régions du continent, l’Union Africaine vient de porter, pour 2 ans, la Mauritanie et son président, à la tête de l’organisation. Ce choix résulte d’un subtil jeu d’équilibre, et s’adresse à un pays, et à un homme symbolisant bien, tous deux, cette notion.

En raison de cette présidence géographique tournante de l’Union Africaine, le successeur du président Comorien Azali Assoumani devait être désigné parmi les chefs d’Etat d’Afrique du Nord. La profonde rivalité algéro-marocaine limitait l’éventail des candidats potentiels, et requérait beaucoup de diplomatie pour obtenir un consensus.

Une candidature Libyenne était rendue difficile par la fracture territoriale et institutionnelle du pays. L’Égypte pâtit de sa compétition géostratégique avec l’Ethiopie, amplifiée par leurs tensions autour de la gestion des eaux du barrage de la Renaissance, sur le parcours Éthiopien du Nil bleu.
Kaïs Saïed, président tunisien, représentait la candidature la plus sérieuse face au président mauritanien. Mais ses déclarations récentes, hostiles à l’immigration subsaharienne, lui ont valu des inimitiés durables dans le continent africain. A l’inverse, la Mauritanie constitue un pont géographique entre pays du Maghreb et pays d’Afrique noire.

Une candidature centrale

Si l’Afrique du Nord n’avait pas trouvé de terrain d’entente autour de la candidature Mauritanienne, elle aurait perdu son tour de présidence tournante de l’institution. Celle-ci serait revenue à un pays de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC). Le président angolais João Lourenço était en embuscade, prêt à revêtir le costume en cas d’impasse des négociations.

La Mauritanie est apparue dès lors comme le candidat du compromis, dans une région traversée par des divisions marquées, avec à sa tête, Mohamed Ould Ghazouani, un homme préparé à cette délicate mission.

Diplômé de l’Académie royale militaire de Meknès, au Maroc, il a gravi les échelons de l’armée mauritanienne dans l’ombre du président Mohamed Ould Abdel Aziz, son prédécesseur. Il est arrivé au pouvoir, en 20219, maîtrisant pleinement l’appareil sécuritaire du pays.

L’an dernier, son parti a largement remporté les élections législatives. Les décisions prises contre la corruption ont largement contribué à ce succès.

Une politique d’équilibre dans la région

Nouakchott apparaît comme un îlot de stabilité dans une région en proie aux troubles. La Mauritanie peut se prévaloir d’un bilan flatteur dans le domaine de la lutte antiterroriste au Sahel. Cette « victoire des dunes », selon l’expression du colonel Charles Michel, attaché de défense près de l’ambassade de France à Nouakchott, a fait de la Mauritanie la clé de voûte de l’architecture sécuritaire de la région. Le pays dispose d’une une armée, certes limitée (le pays ne compte que 5 millions d’habitants) mais aguerrie, autonome, et qui sait renouveler son équipement.

Le président Mauritanien fait aussi bien l’unanimité au Sahel qu’au Maghreb, où il s’applique à afficher sa neutralité

Une vision réaliste et volontariste

Suite à son élection à la tête de l’UA, le président Ghazouani a déclaré que « l’escalade des changements anticonstitutionnels en Afrique constitue une violation sans précédent de la démocratie et une menace sérieuse pour la stabilité des institutions du continent ».

Il n’a pas spécifiquement nommé les pays impliqués, dont les représentants étaient absents au sommet, en raison d’une suspension de leur adhésion à l’Union, sur fond de « coups d’Etat militaires ».

Le président Mauritanien a appelé les dirigeants africains à « adopter leurs propres mécanismes de résolution des conflits et à donner la priorité à la consultation pour surmonter les difficultés ».

Les relation Européennes et Françaises

Le partenariat entre la Mauritanie et l’Union européenne a occupé l’actualité
récente. Le 8 février dernier, le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez s’est
rendu en Mauritanie en compagnie de la présidente de la Commission
européenne Ursula von der Leyen. Un accord de maîtrise des flux migratoires a
été signé à cette occasion. A ce propos, il convient de noter que la Mauritanie n’est pas un acteur clé de l’immigration. Sa diaspora en Europe est réduite à quelques milliers de personnes. Au-delà de sa relative proximité avec les Canaries (un peu plus d’une heure en avion) il s’agit de limiter les flux qui pourraient transiter sur son sol, en provenance des pays instables de la région, comme le Mali.

La France ne peut que se féliciter de voir la Mauritanie comme îlot de stabilité et pilier de la lutte antiterroriste, dans une région où elle fait face à de nombreuses difficultés. Le président Mauritanien a eu l’occasion de rappeler récemment que « le respect et l’amitié ont toujours présidé aux relations entre la France et la Mauritanie. La France a une histoire commune avec l’Afrique, donc un avenir »….
De nombreux défis internationaux attendent le président Mauritanien, du Sahel à la corne de l’Afrique, en passant par le Soudan.
Mais dans son pays, une nouvelle ère, dès cette année, va s’ouvrir : la Mauritanie va rejoindre le club très restreint des pays producteurs de gaz…. !

(*) Chercheur associé à la FEMO, Fondation d’Études pour le Moyen-Orient, Fondateur du Monde Décrypté, chroniqueur géopolitique IDFM 98.0