Pétrole : Etats-Unis, premier producteur mondial… ?

Pétrole production

Depuis 2010, la révolution du pétrole de schiste est en marche aux Etats-Unis. L’augmentation de la production américaine, a finalement provoqué, fin 2014, la baisse des prix du brut, puis une réelle chute des cours. L’Arabie Saoudite a voulu s’opposer à ces nouveaux producteurs, mais a finalement décidé de limiter avec l’OPEP sa production. La remontée des cours a relancé la production américaine… Retraçons ces phases et essayons d’anticiper…

La révolution de l’huile de schiste a commencé comme l’indique clairement le graphique ci-dessous à partir de 2010 et a créé à la fois une accélération, et un niveau de production américaine qui n’avait pas été atteint depuis 1970….
…47 ans plus tard…. la production des Etats-Unis a dépassé à nouveau les 10 millions de baril par jour !

production mensuelle pétrole états unis

En 2018, les Etats-Unis retrouvent ainsi, l’Arabie Saoudite et la Russie dans le club très fermé des pays produisant plus de 10 millions de baril par jour, loin devant les 4ème et 5ème Irak et Iran, chacun autour des 4 millions de baril.

Mais cette ascension américaine ne s’est pas réalisée sans réaction des autres producteurs.

La première guerre des volumes

Cette accélération de la production a conduit les deux autres pays leader  à augmenter eux-mêmes leur volume. Cette stratégie avait pour but d’accélérer la guerre des prix, et de conduire les « producteurs non compétitifs » selon l’expression saoudienne, c’est-à-dire les producteurs de pétrole de schiste américains, à sortir du marché. Ils avaient besoin en effet, il y a 3 ans de prix supérieurs à 50$ le baril pour juste équilibrer leurs comptes. Conduire les prix à 40 voire 30$ le baril les amenaient à réduire voire à arrêter leur production.

Le graphique ci-dessous illustre parfaitement cette réponse stratégique. En un an, de juillet 2015 à juillet 2016, la production américaine va baisser de 12%, diminuant de 9,5 à 8,4 millions de barils par jour.

production pétrole usa russie et arabie saoudite 2014

(Source: EIA,  Etats-Unis – réalisation graphique Strategic Conseils)

L’Arabie Saoudite énonçait alors clairement son objectif : garder ses parts de marché, en faisant sortir les nouveaux producteurs.

Mais cet objectif était atteint au prix d’une forte baisse des prix, et donc des revenus de tous les pays producteurs. Arroseur arrosé… ?

Cette forte baisse de la « rente pétrolière » n’était pas non plus soutenable, il fallut donc amorcer une deuxième phase. Un accord fut trouvé le 30 Novembre 2016 à Vienne  limitant à la marge (quelques pourcents) la production des pays de l’OPEP, accord auquel la Russie s’est associée, avec des exceptions pour l’Iran et l’Irak.

L’anticipation de cet accord, l’accord lui-même et sa prolongation allait faire remonter les prix de 40 % et hisser le brut de 50$ en moyenne en 2016, à 70$ le baril en janvier 2018.

Mais cette remontée du prix, accompagné d’un intense effort technique visant à réduire drastiquement les coûts d’extraction, allaient permettre aux producteurs d’huile de schiste d’augmenter à nouveau leur production.

La deuxième guerre des volumes

Par rapport au graphique précédent, et dans cette deuxième période et phase stratégique, la situation de volume des Etats-Unis apparaît tout autre.

L’augmentation des prix, et la visibilité donnée par la limitation de production décidée par l’OPEPP et la Russie, offre aux producteurs de pétrole de schiste américains un chemin de croissance, puisque Russie et Arabie Saoudite se sont imposées des limites de production jusqu’à fin 2018.

production pétrole usa russie et arabie saoudite 2016

(Source: EIA,  Etats-Unis – réalisation graphique Strategic Conseils)

L’Arabie Saoudite a radicalement inversé sa stratégie en  donnant priorité au prix, sur sa part de marché, laquelle avait été sa priorité lors de la période précédente.

Cette situation nouvelle par rapport à la période  2014-2016, devrait ainsi permettre aux Etats-Unis de continuer à augmenter leur volume de production, si cette nouvelle donne géostratégique du marché pétrolier continue d’être avalisée par les membres de l’OPEP et la Russie. Ils peuvent y trouver satisfaction par leurs recettes pétrolières, grâce à des prix se maintenant dans une fourchette de 60 à 70$ le baril…..

Pour une limitation de volume d’environ 5%, ils obtiennent des augmentations de prix de plus de 20%  par rapport au niveau antérieur des 50$….. Le solde en termes de recettes est donc très largement positif.

Mais il est très probable que le niveau de production des Etats-Unis conduira l’OPEP et les pays non OPEP signataires de l’accord du 30 Novembre 2016, voire d’autres, comme l’a indiqué le ministre saoudien de l’énergie Khaled Al-Faleh, ce 22 janvier, à se réunir plusieurs fois en 2018…

Cette hausse de production est celle avalisée par l’Administration américaine de l’Energie, l’EIA, qui prévoit dans ses études, et cela depuis la fin de l’an dernier, une projection de production américaine de 10,8 millions de baril par jour avant la fin de cette année, et le franchissement du cap des 11 millions en 2019.

Toute chose demeurant égale par ailleurs, il est clairement indiqué que les Etats-Unis se préparent à postuler la place de premier producteur mondial de pétrole brut !

Mais cette situation pourrait-elle perdurer… ?

Les perspectives du pétrole de schiste

La nature de ces réservoirs crée une courbe d’exploitation des puits différente des sites pétroliers classiques.

Le cycle d’exploitation est plus court, et la baisse de production intervient plus rapidement.

La seule façon de compenser cette situation de fait est donc, outre les toujours possibles améliorations techniques, d’ouvrir de nouveaux puits, ce qui ne pourra être soutenu sur une longue période.

L’EIA prévoit donc un plateau de production, et un naturel déclin de la production du pétrole de schiste, comme le montre ce graphique, dans le cadre d’un RAPPORT DE …2012… !

production pétrole états unis

La réalité des années à venir pourra se révéler décalée par rapport à cette projection faite il y a plus de 5 ans, mais les grandes lignes ne seront certainement pas modifiées.

La production de pétrole de schiste (Light tight oil, en légende du graphique) décroîtra dans la prochaine décennie.

En conséquence, quel futur à long terme pour la production américaine… ?

La vision de la prochaine étape

Si l’essor de la production pétrolière américaine depuis 2010 s’est joué sur la terre ferme, sur le continent, le grand futur pourrait se situer dans la continuation du plateau continental, à savoir les ressources off-shore…

En effet, le 4 janvier de cette année, le Secrétaire à l’intérieur, à qui incombe aux Etats-Unis ce type de responsabilité, a lancé une consultation préalable, permettant à partir de l’année prochaine et jusqu’en 2024 la vente de concessions d’exploitation de gaz et de pétrole.

Ce plan concerne 47 propositions de concessions dans 25 des 26 zones administrées par le Bureau de Gestion des Energies Océaniques (BOEM, Bureau of Ocean Energy Management)

comme l’illustre la carte ci-dessous, et concerne également l’Alaska.

BOEM

Ces 47 zones de recherche se répartissent de la façon suivante : 19 au large de l’Alaska, 7 dans le Pacifique, 12 dans le golfe de Mexico et 9 sur la côte Atlantique.

La stratégie est claire. Comme l’exprime de façon très directe le Secrétaire à l’Intérieur Ryan Zinke : « la chose la plus importante est que nous trouvions le bon équilibre entre la protection de nos côtes, de ses habitants, le moyen de fournir à l’Amérique l’énergie dont elle a  besoin, et l’objectif de conduire l’Amérique à une position dominante dans le domaine de l’énergie »….

Peut-on être plus clair… ?

« En proposant d’ouvrir la plus grande partie du plateau continental extérieur (celle dépendant du gouvernement fédéral, et non des états côtiers) en vue d’une exploration de ses ressources gazières et pétrolières, les Etats-Unis sont vraiment en voie de passer d’un objectif d’indépendance énergétique, à celui de domination énergétique. » Vincent DeVito, conseiller à la politique énergétique au Secrétaire à l’Intérieur. Tout est dit.

La stratégie est conçue, tracée, cadencée, exprimée. Les Etats-Unis affichent clairement  leur objectif de devenir premier producteur mondial d’énergie. Nous n’aurons pas à attendre 2024 pour revenir sur ce sujet….